La chaîne des terrils de Dampremy à Marchienne-Docherie

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Cette vue du bassin industriel depuis le sommet du terril de la Blanchisserie est l’une des images fortes de Charleroi. La Sambre canalisée vers 1830 et le Canal Charleroi-Bruxelles inauguré en 1832 ont été des vecteurs potentiels dans le développement industriel et économique du bassin de Charleroi là où il existait, bien avant la révolution industrielle, une tradition métallurgique, verrière et charbonnière.
Avec le développement de la sidérurgie et l’activité des cockeries, des laminoirs, des aciéries,  des hauts-fourneaux,  les noyaux villageois anciens ont peu à peu formé de vastes
agglomérations de plus en plus denses  autour de l’axe historique industriel. Au déclin de l’extraction minière dès les années 50, s’ajouta la crise économique des années 70 qui vit la fin des charbonnages et la mise à mal de la sidérurgie. On assiste depuis lors à d’incessantes restructurations, à la fermeture et à l’abandon de nombreux outils, même performants.
Les Carolos distingueront (au centre de l’image) la disparition dans le paysage des hauts-fourneaux de la Providence.En 2012,  le haut-fourneau 4 de Carsid,  (situé sur la gauche, il est visible sur les images 4 et 5) à l’arrêt depuis novembre 2008 est définitivement éteint. 

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Ces mutations économiques ont marqué Charleroi, dans ses moyens, ses infrastructures, au coeur des quartiers et stigmatisé, voire traumatisé sa population.
Parce qu’il est vital pour beaucoup d’entre nous de comprendre « ce qui s’est passé à Charleroi », le fait de prendre de la hauteur en grimpant sur les terrils de Dampremy et de Marchienne-Docherie permet d’évoquer les pages d’histoire de ce cœur industriel, de ce qui a fait la ville des décennies durant.
Aujourd’hui plus que jamais, perdure u
ne dynamique à vocation de mémoire, qui pousse des artistes, des performers, des guides nature, des photographes, des passionnés de leur région, des explorateurs urbains, toutes générations confondues, à veiller sur ces lieux. Vue des sommets, la zone industrielle, même partiellement démantelée  a toujours la capacité  de surprendre par sa forte puissance visuelle. 

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Au Saint Théodore comme en maints endroits, les abords des terrils n’apparaissent pas très engageants. Une grille en ruine, un mur délabré forment la limite de l’ancien charbonnage. Dans certains quartiers de La Docherie, la vie semble s’être arrêtée avec la fin des fosses. Un défi de plus  à relever pour la ville! Le terril Saint Théodore Est (Nouveau)  fut engendré comme son voisin le Saint Théodore Ouest (ancien) par le puits saint Théodore des charbonnages de Sacré-Madame dont les installations longeaient la rue de Jumet.  Le puits fut creusé en 1839 tandis que la société possédait déjà de nombreux cayats et fosses sur sa concession.
Après la fermeture des fosses St-André et St-Charles en 1958, le n°2 du Sacré-Français en 1959 et celui de la Blanchisserie en 1961, le puits  « St-Théodore » fut la dernière fosse en activité à Dampremy jusqu’à l’arrêt de la société e
n 1972. Démantelé dans les années 80, le site laisse aux pieds du terril une vaste plaine envahie par la végétation qui recèle encore quelques vestiges de l’exploitation: mur d’enceinte et grille d’accès, socles de béton, ancien traînage, pont ferroviaire et escalier de service donnant sur la route Latérale. 

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Au pied du Saint Théodore Est en regardant vers Charleroi. Le démantèlement des usines laisse la place à de vastes plaines désertes. On ne va pas regretter la vue des chancres et usines abandonnées mais observer dans le paysage les grands espaces vides laissés par l’industrie passée. A l’avant plan, la plaine de l’ancienne usine d’agglomération de la Providence et au delà le cimetière de Dampremy, les terrils des Piges et de la Blanchisserie,  les cheminées et le haut- fourneau 4 de Thy Marcinelle-Carsid. 

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Voir la ville d’en haut permet d’en comprendre ses particularités. Certains quartiers autour des fosses, et particulièrement à Dampremy, ont connu, aux heures de l’industrialisation, une urbanisation extrême et anarchique que l’on observe à travers avec les nombreuses cours, impasses, ruelles et passages entre les maisons. Les espaces vierges représentent également les strates de l’industrie absente. 

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A la chaîne industrielle répond la chaîne de terrils, tel un no man’s land entre les usines et l’habitat. Vers le N-O, depuis le sommet du terril Saint Théodore est, le terril arasé du saint Théodore ouest et le terril saint Charles-Bayemont. Entre ces trois volumes, la rue de Jumet et la rue Jules Jaumet égrènent leurs rangées de maisons, leurs impasses et leurs ruelles. Les maisons de maîtres aux façades travaillées, les « châteaux » en retrait de la voirie témoignent d’une époque où la hiérarchie du personnel des usines cohabitait au cœur des quartiers avant que la bourgeoisie ne préfère s’installer, à partir des années 30, dans la périphérie verte, ce qui entraîna également la dégradation de ces magnifiques maisons.
Si le terril Saint Théodore est intact, les terrils suivants ont fait l’objet d’une exploitation. Leur silhouette en a été considérablement modifiée. Le terril Saint Théodore ouest, entouré de peupliers se fait complètement oublier au profil du Saint Charles-Bayemont. 

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A l’instar des terrils du Martinet que l’on aperçoit à l’arrière plan de l’image, l’immense site des terrils Saint Charles- Bayemont est un remarquable exemple de la dynamique de mobilisation et d’échanges entre la ville et les citoyens qui s’est créée autour d’une perspective de développement durable du territoire. Après l’exploitation des schistes résiduels qui s’est terminée en 2001, le site des deux terrils, aujourd’hui reliés par un cheminement, offre des possibilités de promenades via des accès aménagés en pentes douces.

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Comme au Martinet, une gestion écologique est menée sur le site afin de préserver et de favoriser la biodiversité de ces milieux très spécifiques.  (L’absence de gestion amène à une banalisation du milieu et limite alors la biodiversité notamment pour les espèces d’intérêt patrimonial). Par  la présence d’une roselière,  de pelouses sèches, de plantes vivaces, de cette nature spécifique qui a été encouragée, le site est également propice aux visites guidées nature. Et si le regard se laisse emporter…

Depuis le Bayemont

… il verra d’un autre œil ce coin de paradis aux confins de l’industrie, aujourd’hui à l’arrêt…! Nous sommes ici dans un grand paysage marqué par la sidérurgie mais aussi par le vallonnement naturel, le sillon des cours d’eau, le relief des vallées du Piéton et de la Sambre. La vue s’étend de Roux jusque Châtelet. Sans compter les repères visuels de la ville: le beffroi de l’Hôtel de ville, la tour de l’Hôtel de police, la coupole de la basilique saint Christophe, la tour Albert, le haut-fourneau n°4 de Carsid, les terrils de Marcinelle…

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Au sud du site, dans le prolongement des usines, on peut voir de l’autre côté du Canal, la plaine désaffectée du Puits Parent, dont dépendait le terril saint Charles. Le puits Parent ou siège n°18 des charbonnages de Monceau-Fontaine était remarquable à plus d’un titre: trois chevalements, une profondeur de puits de plus de 1.200 mètres, une architecture marquante. Il fut l’ un des derniers puits en activité. Les films »L’Etoile du Nord » de Pierre Granier-Deferre (1982) et « Le Brasier » en 1989 pour ne citer que ceux-là ont pérennisé le souvenir du site. Fermé en 1978, le charbonnage a été rasé en 1991. On distingue à l’arrière-plan de l’image la tour remarquable de l’ancienne brasserie des Alliés et le terril du Hameau de Monceau du charbonnage  n°19 des Bas-Longs Prés.

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Surplombant le canal Charleroi-Bruxelles, le terril termine sa course non loin de l’écluse de Marchienne et de la centrale électrique Amercoeur de Roux dont les cheminées de refroidissement sont en point de mire. C’est un autre paysage qui se dévoile. 

Plusieurs terrils pointent à l’horizon: à gauche le n°2 CALVAIRE à Fontaine l’Evêque, au centre de l’image les deux terrils du MARTINET à Roux.
La terre à charbon continue vers le Nord: (hors image) le terril NAYE A BOIS appelé aussi terril des COULOUTES aux pieds duquel a été tourné le très beau film « Au Cul du Loup » en 2012.  Plus loin le terril BELLE-VUE de Jumet, et vers l’Est, les terrils NOIRE-MECANIQUE et SACRE-MADAME à Dampremy. 

Les noms de rues actuelles évoquent des charbonnages: rue  de la Houillerie,  rue du Pays Noir, rue Veine Chauwe, rue du Bougnou. 

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Aux pieds du Bayemont, le Canal Charleroi-Bruxelles offre de nouvelles perspectives visuelles. Le halage se prête aux grandes excursions à vélo via le Ravel 1 « Centre  »  vers Ronquières via Luttre.  D’autres boucles à terrils, d’autres balades sont envisageables à partir du « maillage bleu ». Voir ici: http://ravel.wallonie.be/home.html.

Prises de vues en septembre 2012, novembre 2012 et novembre 2013.

Quelques liens  :

Photos du charbonnage Parent : http://postindustriel.be/paren1.html

Reportage photos sur l’usine Carsid:  http://tchorski.morkitu.org/2/4445.htm

Sur le plancher de coulée du haut-fourneau de Carsid: http://postindustriel.be/hfcarsid1.html

Collectif d’artistes contemporains Hotel Charleroi: https://vimeo.com/27326127

commentaires
  1. Andersen René dit :

    Superbe travail ! Et merci .

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