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Collines naturelles ou artificielles  ?
 
Vestiges significatifs de la vocation industrielle de la région de Charleroi, les terrils qui jalonnent le paysage représentent aujourd’hui bien plus que les amas de scories engendrés par les puits des charbonnages des décennies durant.
Derniers témoins de cette industrie minière qui s’est éteinte au début des années 80, les terrils aujourd’hui verdoyants sont inscrits dans l’inventaire des choses à voir et à faire à Charleroi, d’abord pour leurs points de vue uniques et les zones de nature qu’ils recèlent, pour l’apport mémoriel et historique d’une région fortement (dés)industrialisée et enfin pour l’implication citoyenne qui caractérise la plupart d’entre eux. 
 
Terril des Aulnias 010

Trente ans après la fermeture des charbonnages, les terrils n’apparaissent plus pour les plus jeunes générations comme des symboles de labeur, de conditions de travail dantesques dans les charbonnages qui les ont engendrés, de déclin industriel d’une époque qu’ils n’ont pas connue. Au cœur des quartiers,  les terrils aujourd’hui connaissent l’attrait des îlots de nature en ville et offrent à tout un chacun un environnement propice aux promenades et à la détente. 

 
 
En prenant de la hauteur, comme ici sur le Terril des Piges à Dampremy, c’est le spectacle de la ville comme on ne l’a jamais vue. D’autres terrils apparaissent, silhouettes familières aux Carolos et pourtant toujours énigmatiques.
 
UN AUTRE REGARD
Aujourd’hui, c’est un autre regard qui se pose sur ces géants sortis des entrailles de la terre.

L’appropriation des terrils par les riverains s’est faite dès les premiers déversements, dans le but de glaner, de ramasser des restes de charbon, tout un travail motivé par la nécessité. Les enfants des quartiers trouvèrent vite en ces buttes de nouveaux terrains de jeux en se laissant glisser sur les pentes « assis sur des couvercles de casseroles ou de vieilles platines à tartes » comme l’évoquent encore de nombreuses anecdotes.

 

L’ HISTOIRE DES TERRILS  C’EST L’ HISTOIRE DES QUARTIERS

Les terrils sont rapidement apparus comme partie intégrante des quartiers. L’environnement proche des charbonnages donnait le ton: déploiement d’infrastructures de « mise à terril », transporteurs aériens, ponts à traînage du charbon, passages à niveau, corons, courées, achevaient de donner l’image d’une ville dont la vocation et le développement furent exclusivement tournée vers l’industrie. 

Les terrils racontent tous une histoire qui est celle de leur environnement proche. Leur nom porte souvent celui du lieu-dit qui les a vu naître: le Boubier, l’Epine, la Tombe, les Piges, les Pays-Bas. Ou le nom du puits de mine associé: Saint-Charles,  Saint- Théodore, Sainte- Catherine…

Les lieux-dits de Charleroi continuent d’évoquer des noms de charbonnages disparus: le Mambourg à Charleroi-Nord qui évoque aussi le Sporting et dont le terril a laissé la place à Ville2, les Fiestaux à Couillet, siège d’une entreprise de matériau, le Trieu Kaisin à Montignies-sur-Sambre, le Boubier à Châtelet…

LA PRISE EN COMPTE DES PAYSAGES

Dès les années 90, suite à l’impulsion de la Conférence de Rio (1992) autour du thème de la perte de la biodiversité mondiale, il était devenu évident que les terrils s’étaient transformés en vecteurs de biodiversité au cœur des villes.
A l’état naturel,  par la spécificité de leur sol et de leur exposition, les terrils recèlent des biotopes insoupçonnables. Petites forets, zones humides, pelouses sèches, plantes rares sont observées par les naturalistes. 

Ils offrent à tout un chacun la possibilité de découvrir  un environnement insolite et rare,  lieux d’observation de la nature ou lieux de promenades au cœur d’un décor dont on ne se lasse jamais.

 

PREMIERES DEMARCHES CITOYENNES
Les premières démarches citoyennes de prise en compte des terrils dans l’environnement des quartiers ont débuté dès la fin des années septante autour du terril des Piges à Dampremy et aux terrils du Martinet à Roux via des comités citoyens réunis pour la défense, la préservation et la mise en valeur des terrils de leur quartier.
Légende de l’image: à titre d’exemple, en juin 1999, soit 23 ans après les premières démarches citoyennes, les terrils du Martinet deviennent réserve naturelle classée RNOB.

UN LIVRE

Inspiré par la démarche, un collectif d’artistes créé autour de Georges et Jeanne Vercheval, futurs créateurs du Musée de la Photo, publie TERRILS aux éditions Vie Ouvrière en 1978. Précurseurs à Charleroi, ces artistes dont l’œuvre est liée au territoire, rendent leur démarche interpellante et créative, positive et didactique mais surtout citoyenne et militante face aux souhaits des politiques de l’époque d’en finir au plus vite avec les stigmates d’une industrie en déclin, en dépit de la symbolique mémorielle.

L’EXPLOITATION ECONOMIQUE DES TERRILS

Dès la fin de l’extraction minière s’est substituée sur l’ensemble des bassins une nouvelle forme d’exploitation des schistes houillers. Les terrils, une fois inventoriés  sont considérés dans une perspective économique. La récupération des matières exploitables (schistes rouges, schistes noirs) signifiait généralement le démantèlement complet  du terril. Nous l’avons dit, des comités de riverains virent le jour afin de s’opposer à ces nouvelles formes d’exploitation eut égard aux nuisances environnementales pour les riverains (poussières, charroi) et aux profonds changements dans le paysage.

machinaterril

Les terrils  représentant des cas particuliers de sites d’activités économiques désaffectés  (SAED) contenant encore souvent des ressources minérales pouvant être valorisées, la Région Wallonne mit en place des outils de gestion des terrils relevant de l’aménagement du territoire et de l’environnement où les terrils sont répartis en 3 catégories: 

– classe A : terrils qui ne peuvent pas être exploités;
– classe B : terrils qui peuvent être exploités;
– classe C : terrils qui nécessitent une investigation complémentaire.

L’inscription d’un terril en zone naturelle d’intérêt scientifique ou réserve naturelle n’en permet plus l’exploitation des matières minérales qu’il recèle. A ce jour, aucun terril n’est exploité pour ses ressources à Charleroi. 

IDENTITE


Pour un marcheur, un riverain, un de ceux qui « ont vu tourner les châssis à molettes », les terrils ont leur identité propre, une forme qui leur est caractéristique.  Les plus anciens (du 12ème au 17ème siècle) étaient semblables à de petits monticules, on les parfois retrouve au milieu des cultures, des prairies. 

Au 18 et 19ème siècle, le volume des terrils augmente. Ils sont de forme allongée ou bombée.
Au 20ème siècle, ils deviennent gigantesques, leur forme est conique ou allongée, avec pour certains des flancs digités.


LE DERNIER WALLON
 
Le dernier charbonnage wallon, le Roton- puits Sainte Catherine à Farciennes a fermé sa fosse  en 1984. Le livre du charbon ne se referme pas. L’histoire  des gueules noires et son décor immobile sont gravés dans la mémoire des Wallons.
 
 
 
Poursuivez votre lecture par l’historique des cheminements piétonniers: https://cheminsdesterrils.wordpress.com/2012/03/01/historique-dune-transterrilienne/
 
Localisation des images: 
photo1: la chaine des terrils de La Docherie à Dampremy depuis le terril de Bayemont. -Photo 2: sur le terril des Aulniats à Farciennes – Photo 3: Depuis le sommet du terril des Piges, vue vers le centre-ville. 4: Vestige de plaque d’interdiction au terril du Résolu à Montignies-sur-Sambre. -Photo 5: Vue depuis le terril de l’Estacade à Roux.. -Photo 6: Sommet du terril d’Epine à Montignies-sur-Sambre . -Photo 7: id. -Photo 8: terril du Martinet .-Photo 9: Vestiges d’exploitation au terril de l’Estacade à Roux. -Photo 10: Infrastructure de chantier. – Photo 11: Minéral sur un terril exploité. -Photo 12: Vue sur le terril des Piges depuis le terril Sacré-Français. Photo 13: terril de la Chènevière. -Photo14: La tour du Roton depuis le terril des Aulniats à Farciennes